La création de Frozen ( longue forme ), nous a permis de questionner davantage notre rapport au monde, plus précisément la place du vivant dans notre vie, dans notre environnement et la fragilité de la condition humaine.
Cette réflexion s’est alors avérée à nos yeux d’une nécessité évidente et d’une urgence tout à fait particulière. Il est essentiel, pour nous, de placer l’humanité au centre de notre théâtre. Comme si cet acte permettait une plus grande appréhension de ce que nous sommes, de ce qui nous anime. Privé de liens, comment prendre place dans un monde bien souvent déshumanisé… gelé ? Quelle identité pouvons-nous nous forger ?
Dans Frozen, l’irruption d’un cœur pulsant au sein de l’univers aseptisé d’une cantine d’entreprise crée chez le spectateur le trouble et la fascination. Sur scène, cette irruption de l’organique provoque une réaction violente chez les personnages, qui, abruptement, retrouvent leur condition d’être charnel et leur part d’instinct. Nous voulons prendre ce point de départ, pour emmener nos personnages, et les spectateurs avec eux, au-delà de la réaction animale, vers un rapport d’humain à humain.
C’est pourquoi nous avons décidé de centrer l’écriture de notre projet autour de cette question: comment, dans un monde désincarné, à travers la sauvagerie et en repassant par le vivant, peut-on retrouver la nécessité et la capacité de la relation à l’autre, le besoin d’humanité. Ou plus directement, l’humain est-il encore capable de vivre avec l’humain ?
En effet, le culte de la productivité qui règne dans nos sociétés contemporaines tend vers un monde hors-sol, bien loin du réel, de la vie, du quotidien. Il se crée un monde de plus en plus désincarné défini par des notions telles que la compétition et l’individualisme.
Centrées sur la performance, nos sociétés récusent la maladie, la faiblesse, la mort. La célébration du culte de la concurrence entre les individus, dans ce monde qui se détourne des problèmes sociaux, des relations entre les personnes, des fragilités, des vulnérabilités de tous ordres, sans bienveillance et respect de l’autre, nous ramène à cette antienne : « L’homme est un loup pour l’homme ». Tel un loup, l’homme moderne rode et évolue dans l’espace trop fonctionnel des villes, dans le vide qui entoure les bâtiments posés à la manière de cubes sur un espace aseptisé.
Sur notre plateau, loin de toute esthétique gore, nous voulons faire jaillir le sang. Nous voulons entacher la scène de ce trouble presque existentiel provoqué par cette transgression des limites du corps humain. A travers celle-ci c’est la place de l’humain que nous voulons considérer. Atteindre le cœur humain, organe musculaire, véritable moteur organique qui bat plus de 100 000 fois par jour.
Ce que nous proposons avec Frozen, c’est de retourner l’image contre elle-même et détourner son pouvoir hypnotique.
Du 7 au 17 mars 2017 théâtre National
Reprise : le 27 mars 2017 au centre culturel de Nivelles