Un adolescent s’est pendu parce qu’il avait les cheveux roux et qu’il était le souffre-douleur de sa classe. Il s’appelait Matteo, c’est arrivé en France en février dernier. Valentin, jeune handicapé, a été roué de coups par 3 personnes de son entourage et jeté vivant dans la Meuse, c’est arrivé à Liège, il y a peu de temps.
Simples faits divers ? Ou tragédies qui se répètent ?
Aujourd’hui, nous l’affirmons : nous sommes au quotidien confrontés à la figure du bouc émissaire et au principe de lynchage. Jusque dans nos vies et au plus proche de nos habitudes. De toutes évidences, le bouc émissaire n’est pas un animal en voie de disparition, pas plus que la tragédie n’est de l’histoire ancienne. Le théâtre de la cruauté se joue partout : dans les cours de récréation, dans les bureaux paysagers, dans la rue, entre amis sur facebook et persécuteurs virtuels. Mais aussi, lynchage médiatique, politique : on condamne sans aucune forme de procès avec un besoin d’immédiateté pour assouvir un sentiment de vengeance et un appétit de violence.
Face à cela, d’innombrables questions nous assaillent : pourquoi la figure du bouc émissaire est-elle depuis toujours, et semblerait-il, pour longtemps encore, un mécanisme habituel et familier ? qu’est ce qui se joue dans ce processus ? pour l’individu ? pour le groupe ?
Très vite, nous avons décidé de faire reposer l’écriture de NO ONE, sur la tension entre individu et groupe. C’est la mise en place d’un groupe spontané, son mécanisme et sa force qui motive notre écriture. Notre intention est de décortiquer les mécanismes qui engendrent la dilution de la responsabilité et la désignation d’un bouc émissaire au sein du groupe. Mais aussi la puissance de celui-ci lorsqu’il amène au pire : le lynchage de sa victime désignée.
Dans cette nouvelle création de théâtre sans paroles, nous choisissons, non pas de nous attaquer aux persécuteurs ou aux persécutés, mais de mettre en image et en scène la faiblesse de l’humanité dans son ensemble face à la tentation des boucs émissaires .
Dans une société de méfiance où l’autre semble être avant tout une menace potentielle, c’est le manque d’attention généralisé à notre humanité qui nous questionne dans nos comportements individuels et collectifs. Car, nous le pensons, chaque fois, le lynché exprime une réalité que les lyncheurs ne veulent pas voir. Le bouc émissaire meurt parce qu’il énonce la vérité de leur désir à des gens qui ne veulent pas l’entendre. Car quand il endosse symboliquement la faute, il permet d’éviter de poser les bonnes questions, de rechercher les vraies responsabilités.
Notre théâtre veut éveiller la pensée, il nous aide peut-être à affronter notre propre vie, à l’ébranler, en déclenchant une guerre intérieure qui nous met en mouvement . Nous voulons cependant dépasser la « monstration » et l’observation du phénomène, en expérimentant sur scène le mécanisme du bouc émissaire dans une expérience sensible tant au plateau que dans la salle. Notre écriture théâtrale se veut être une expérience viscérale et existentielle destinée à conjurer l’indifférence.
Nous retrouvons dans NO ONE les thématiques qui nous obsèdent tel un leitmotiv depuis nos premiers projets : la précarité infinie de l’existence et la fragilité de la condition humaine. Au fil de nos créations, sans mots, nous dépeignons un monde où tout va formidablement mal, où les corps et les nerfs sont mis à vifs. Nous questionnons un monde amputé de toute parole où l’humanité mise en péril tente à tout prix de retrouver un sens et une nécessité.
C’est animés de ces intentions et portés par ces convictions que nous nous attelons aujourd’hui à la conception de NO ONE. Il s’agit d’une histoire pour 5 acteurs et 10 figurants :
Une nuit d’été caniculaire.
Dans une station service au millieu de nulle part, un motard va subir la barbarie d’une foule en colère.
Du 24 septembre au 5 octobre au Théâtre Les Tanneurs
Tournée : le 16 octobre au Centre Culturel de Huy
les 19 et 20 novembre à la Maison de la Culture de Tournai / NEXT Festival